[tribune] Lettre de Nicolas Smilevitch, maire de Brinon-sur-Beuvron

Nicolas Smilevitch, maire de Brinon-sur Beuvron, a distribué dans les boîtes aux lettres de ses administré·es la lettre qui suit.

Brinon-sur-Beuvron, le 2 juillet 2024

Mes chères concitoyennes et chers concitoyens,

Dimanche 30 juin, l’extrême-droite a fait 45,7  % de voix dans notre commune.

C’est parce que l’heure est grave que je m’adresse à vous, en tant que Maire de notre commune de Brinon-sur-Beuvron et en tant que citoyen. Dimanche prochain, l’extrême-droite pourrait être en mesure de diriger le pays et de représenter la Nièvre à l’Assemblée nationale. Avons-nous perdu toute mémoire  ? Sommes-nous devenus crédules au point de croire les mensonges d’un Jordan Bardella ou d’une Marine Le Pen  ?

Je comprends la colère qui existe. Je sais que les fins de mois sont difficiles, que l’accès aux soins est compliqué pour plusieurs d’entre nous, que nos écoles sont malmenées, que les inégalités sociales fracturent le pays. Je sais que nous avons besoin de médecins, d’hôpitaux, de gendarmes, d’un meilleur pouvoir d’achat, de soutiens aux associations sportives et culturelles, d’aides pour nos agriculteurs, de préserver nos ressources et notre environnement et d’espoir pour nos vieux jours. Je sais tout cela.

Je sais aussi que nous avons la chance de vivre dans un village dans lequel la plupart d’entre nous se connaissent et partagent de nombreux moments en commun. Nous sommes engagés dans les mêmes associations. Chacun d’entre nous apporte aux autres un peu de sa culture et de sa singularité qui nous permet de cultiver nos différences et de nous en enrichir. Nous sommes humains et humanistes et malgré les divergences, nous construisons tous les jours une vie en communauté dans laquelle nous nous sentons bien. C’est sur ce modèle que nous devons nous appuyer dans nos choix démocratiques et c’est l’exemple que nous souhaitons donner à nos enfants.

Face aux difficultés, nous pouvons en être certains, le Rassemblement national ne nous aidera pas, la preuve depuis 2 ans. Ils sont 88 députés à l’Assemblée nationale.

Ils se sont abstenus ou ont voté contre  :

  • L’augmentation du SMIC. Contre
  • L’indexation des salaires sur l’inflation. Contre
  • Le gel des loyers. Contre
  • Le rétablissement d’un impôt sur la fortune. 1 contre, 63 abstentions
  • La fin des déserts médicaux. Contre
  • L’augmentation des moyens pour lutter contre la fraude fiscale qui représente entre 80 et 100 MILLIARDS d’euros par an. Contre
  • L’instauration des prix planchers pour les agriculteurs. Abstentions
  • La constitutionnalisation de l’IVG. La moitié des députées ont voté contre ou se sont abstenus

Voilà quelques exemples du véritable projet du Rassemblement National pour le pays. Sa politique n’est jamais en faveur des plus démunis. Son projet est celui du repli sur soi et de la haine de l’autre. Priver de droits une partie de la population n’en a jamais donné plus aux autres.

Ne salissons pas nos campagnes, ne salissons pas la mémoire de notre territoire en plaçant l’extrême-droite en tête de notre circonscription dimanche prochain.

Je me permets de citer des extraits de mon discours de 2022, prononcée à l’occasion de la cérémonie de commémoration du 8 mai 1945  :

” …En permettant à Hitler d’accéder au pouvoir en 1933, la grande majorité des Allemands n’imaginaient pas un instant que le parti nazi et son chef les conduiraient vers l’enfer et la mort pour 6 millions d’entre eux. En 1933, la plupart des allemands espéraient avant tout en finir avec une classe de politiciens impuissants à régler leurs problèmes, à régler le chômage de masse et la misère nés dans la crise financière de 1929.
Les Allemands ont été mystifiés. Hitler sut dédiaboliser son image. Il s’est employé à montrer un visage et un programme propres, où il était question de grandeur nationale, de travail pour tous.
Le désespoir étant si profond, la volonté de s’en sortir était si grande, qu’il se trouva une majorité du peuple allemand à ne retenir que les promesses. Hitler a donc menti aux Allemands et le mensonge a pris.
Crise économique, chômage, pauvreté, inégalités. Cela ne résonne-t-il pas à nos oreilles  ?
Si l’Histoire ne repasse jamais les mêmes plats, convenons, nous tous qui sommes rassemblés ici ce matin, que ces mots, que ces situations ne nous sont pas totalement étrangers, et que pour certains on les croirait sortis ce matin même d’un flash ou d’un bulletin d’informations.
Pas de paix sans paix sociale. Pas de paix sans l’espoir partagé par tous d’un avenir meilleur.
Cette liberté, dont nous bénéficions encore aujourd’hui en France, est un privilège que beaucoup n’ont pas connu et que certains, ailleurs dans le monde, ne connaissent pas encore…
Liberté, Égalité, Fraternité,
Ces valeurs, nos ainés les ont défendues dans leur chair et au prix de leur vie. Ils les ont portées pour ouvrir de nouveaux horizons…
…La fin de la guerre c’est la possibilité pour mon grand-père Raymond SMILEVITCH de cesser de vivre dans la clandestinité sous un faux nom et avec de faux papiers, il cesse d’être Raymond SUCHET, c’est le temps pour ma grand-mère de cesser de vivre sous l’identité de Fernande SUCHET née TELLIER pour devenir Fernande SMILEVITCH née TCHERNIATINSKY.
La France, ma France, a cette ambigüité, c’est l’ÉTAT français qui a apposé un tampon juif sur leurs pièces d’identités et les a forcés à la clandestinité, mais c’est un policier de la Ville de Paris qui les a prévenus et leur a permis d’échapper à la rafle du Vel d’Hiv, organisé par l’État Français à la demande de l’occupant nazi et mené par d’autres policiers français.
C’est la France dans laquelle mon grand-oncle Samuel Émile SMILEVITCH, Croix de Guerre avec sept citations, blessé de la grande guerre, résistant, est assassiné en juin 1944 par la Milice, plus précisément par un personnage qui deviendra Conseiller Régional du FN, un parti prônant l’intolérance et l’exclusion, dans le Loiret et mourra dans son lit  ; mais c’est aussi la France qui élira mon père, son neveu, comme Maire à plusieurs reprises et qui me voit Maire aujourd’hui.
Notre combat à tous, …, reste le même. Celui de faire de la tolérance, des différences, une opportunité de nous grandir les uns les autres plutôt que de s’affronter et se détruire…  »


J’appelle à un sursaut républicain. Nous avons une responsabilité. Jamais le choix d’un bulletin de vote n’aura une telle importance pour l’avenir du pays. Aucune voix ne doit aller au Rassemblement national et aucune voix ne doit manquer pour battre ses candidats. J’en appelle aux abstentionnistes, aux indécis, à celles et ceux qui ont pensé, lors du premier tour des élections, que le RN était la solution à leurs problèmes. Pensons à la société dans laquelle nous voulons vivre, pensons à l’avenir que nous voulons pour nos enfants et nos petits-enfants  : une société fracturée et emplie de ressentiments ou une société démocratique dans laquelle le dialogue est encore possible  ?

Face à l’extrême droite, nous avons la chance d’avoir un candidat, Christian Paul, dont l’engagement pour la Nièvre et la ruralité n’est plus à démontrer. Nous connaissons ses engagements et ses valeurs  : la tolérance, le dialogue, la justice, la défense des plus faibles et un attachement profond à la démocratie et à la République. Faisons-lui confiance pour défendre la Nièvre à l’Assemblée nationale le 7 juillet et protégeons notre département du chaos.

Nicolas SMILEVITCH, Maire de Brinon-sur-Beuvron

Message d’Yvette Doublot, Première adjointe, ancienne maire de Brinon-sur-Beuvron  :

“Je ne peux qu’abonder dans le sens de M. le Maire, ayant moi-même subi les conséquences de la cruauté du nazisme. Mon père Henri Talpin, responsable dans la Résistance a été arrêté, emprisonné à Nevers, torturé et finalement fusillé, laissant quatre orphelins. Je demande à chaque électeur de bien réfléchir avant de déposer leur bulletin dans l’urne. N’oubliez pas  : mon papa est mort en patriote par amour pour son pays et sauver la liberté de chacun.”