Nièvre : un Parlement populaire pour apprendre, informer (enfin !), débattre, proposer

Le parlement est dans le pré

Après des élections législatives qui n’ont rien réglé, avec la moitié des électeurs restés chez eux, des candidats souvent élus avec quelques voix d’avance et un barrage républicain miné, les ex-candidats investis par la NUPES dans la Nièvre ont annoncé le 20 juin la création d’un parlement populaire local dans le département.

Depuis la création du Parlement de l’Union Populaire à l’initiative de la France insoumise pendant la campagne présidentielle, des parlements populaires locaux naissent un peu partout en France. Ces assemblées composées à parité de militants de partis politiques et de citoyens reconnus pour leur engagement citoyen se créent à l’échelle d’une ville, d’une circonscription, d’un département…

La campagne pour le deuxième tour des législatives s’est achevée vendredi 17 juin à minuit. Dimanche 19 juin, jour du vote, le Journal du Centre, seul média papier départemental dans la Nièvre a publié un article titré sur son site internet  : «   À Lormes, où la NUPES est arrivée en tête, des habitants s’inquiètent du score du rassemblement national  ». Cet article est émaillé de propos de Lormois qui donnent des indications sur leurs votes. Faire cela alors que le scrutin n’est pas clos est clairement de nature à influencer le résultat et semble contrevenir, sous réserve de l’appréciation d’un juge, aux règles de publication pendant une campagne électorale. Au soir du premier tour, à Lormes, je devançais Patrice Perrot de 4  %. Au soir du second, c’était l’inverse.

Quelques jours avant, le Journal du Centre publiait un article relatant ce qui a été présenté comme un débat organisé à son siège. Cette séance de trois heures, dans un bâtiment mal isolé, une pièce à la climatisation défaillante et des bouteilles d’eau en plastique, n’était en réalité pas un débat entre les candidats, puisque nous étions assis les uns à côté des autres. C’est à deux journalistes que nous faisions face. L’un des deux semblait noter scrupuleusement nos réponses. Cela n’a pas empêché d’écrire que j’étais en faveur de la flat tax, ce procédé mis en place par Macron pour plafonner l’imposition du capital, alors que je dénonce cette mesure anti-sociale depuis des années.

Les élections sont passées. L’extrême-droite obtient un nombre de sièges effrayant à l’Assemblée. L’un a été élu dans l’Yonne, dans une circonscription limitrophe de la Nièvre, face à une candidate NUPES (EELV). Dans la 2e circonscription de la Nièvre, l’appel à voter Perrot par deux des composantes neversoises de la NUPES a été désavoué par les Nivernaises et les Nivernais qui ont voté à 27  % (plus nombreux au second qu’au premier tour) pour le programme de la NUPES. Ils ont rejeté les tenants d’une union de la gauche à condition que leur parti ou leur carrière en retire le bénéfice, aujourd’hui quantifiables dans la circonscription. Il a manqué 4 051 voix, sur 79 762 inscrits pour que la NUPES gagne l’élection au second tour.

Rien n’a été résolu. Pire  : la ligne Maginot contre à l’extrême-droite était minée. La macronie qui a bénéficié, dans la Nièvre entre autres, du renfort des voix d’EELV et du PC, annonce par voix de la députée LREM Céline Calvez qu’elle ira chercher aussi les voix des députés d’extrême-droite pour avoir la majorité à l’Assemblée. Que pensent les députés élus dans la Nièvre de cette déclaration de leur collègue  ? Le Journal du Cenre n’a pas jugé utile de leur poser la question pour un article publié ce lundi pourtant titré  : «  Majorité présidentielle relative  : ce qu’en pensent les deux députés de la Nièvre  ».
Que pensent les responsables locaux des partis dits de gauche qui ont appelé à voter pour le candidat LREM dans la Nièvre de cette alliance désormais possible avec l’extrême-droite  ? Sont-ils d’accord, par exemple, avec le porte-parole national du PCF qui n’exclut pas de gouverner avec Macron pour peu “qu’il donne des gages d’abord”  ?

Mettre fin au monopole de l’information

Le monopole de l’information n’est pas plus sain dans la Nièvre qu’ailleurs. C’est entre autres pour cela qu’il existe à l’origine des médias publics. Ils n’ont pas rempli leur mission pour ces élections. France 3 n’a organisé des débats entre les candidats que dans une partie seulement des circonscriptions de la région. Je ne sais toujours pas comment il a été décidé que ma circonscription, pourtant symbolique puisque c’est là qu’a été scellée l’union de la gauche en 1981, a été exclue de la liste des heureux bénéficiaires de temps d’antenne. Je ne sais pas non plus pourquoi il a été décidé de ne conserver au montage de l’interview réalisée trois jours avant l’élection que les réponses aux questions sur la désunion de la gauche et pas les alertes lancées sur le réchauffement climatiques et ses conséquences à venir sur la population nivernaise si nous ne procédons pas à la bifurcation écologique. Pourtant, ce jour-là, en dehors de la rubrique législatives, tout le journal régional a été consacré à la canicule…

Loin de moi l’idée d’accorder aux médias locaux plus d’importance qu’ils n’en ont dans le résultat de ce scrutin. Le Journal du Centre n’est même pas tiré à 20 000 exemplaires, beaucoup de lecteurs ne sont pas dupes et ils sont aussi auditeurs de radios locales à l’éthique journalistique plus présente, même si elles pourraient accorder plus de leur temps d’antenne au débat citoyen.

Rares sont surtout les médias nationaux qui n’ont pas ouvert grand leurs studios à Eric Zemmour, puis reçu Mme Le Pen et ses lieutenants sans jamais leur poser de question sur leurs relations avec Poutine, l’avancée des dossiers concernant l’argent public et le RN ou l’absence de leurs députés dans les débats sur les retraites et dans bien d’autres pendant les cinq dernières années…

Que ce soit par l’incompétence des uns ou les calculs des autres, le résultat est que l’information locale pour ceux qui ne font pas partie du sérail fait cruellement défaut et que le lien est brouillé entre les décisions prises au plan national et les décisionnaires au niveau local. Même en campagne électorale, M. Perrot peut tranquillement nier publiquement la fermeture des urgences de Clamecy sans que les représentants du journal où cette information a pourtant été publiée deux jours avant ne lui opposent les faits jusqu’à ce que je finisse par les prendre à témoin. Cette mise sous le tapis des responsabilités ressemble furieusement au «  c’est pas moi, c’est l’Europe  !  » clamé à leur retour de Bruxelles par les mêmes qui votent les mesures décriées.

Le tour de passe passe a encore fonctionné. De justesse. Si un nouveau vote avait lieu prochainement, de même que la majorité présidentielle n’est pas celle de juin, personne ne peut jurer que M. Perrot serait réélu, parce qu’il est impossible de se faire une idée sur quelqu’un et sur son programme sans débat réel et confrontation des slogans aux faits.

Alors ont fait quoi  ? On continue de laisser dire que la seule légitimité pour être candidat est la présence de longue date dans un paysage politique local rabougri où le jeu de chaises musicales pour les postes est précisément responsable d’une bonne partie du dégoût citoyen  ? Ou on prend la parole collectivement pour exiger le renouvellement d’une classe politique qui a majoritairement failli  ? On se laisse une nouvelle fois voler le débat en focalisant sur la remise en cause par quelques personnes d’un accord national d’union de la gauche et de l’écologie, avec l’investiture qui en découle localement, ou on s’unit pour convaincre les 76 750 abstentionnistes de revenir au moins au vote, à la citoyenneté sans laquelle plus personne n’est républicain  ? On attend la prochaine occasion de politicailler ou on regarde la réalité en face  ?

Urgence démocratique  !

Les deux-tiers de ceux qui votent ou s’abstiennent sont très majoritairement inconscients de la catastrophe climatique qui nous tombe dessus ou, pour une minorité, tellement égoïstes et espérant personnellement s’en sortir, qu’ils choisissent des candidats comme notre autocrate de président dont le programme ne fait qu’aggraver la menace.

Quelle menace  ? Tout perdre, jusqu’à la vie. Les canicules se multiplient. Elles mettent en danger de mort les plus fragiles d’entre nous, trop âgés, trop jeunes ou juste trop faibles, quand “ponctuellement”, comme a fini par l’avouer M. Perrot, aucune assistance médicale d’urgence n’est disponible. Ce n’est plus un hôpital, c’est une loterie. Les épisodes climatiques violents sont de plus en plus fréquents. Ils ruinent dans les zones impactées les plus pauvres des paysans qui n’ont pas les moyens de payer une assurance pour leurs récoltes ravagées, mettent à la rue des familles entières aux maisons détruites, privées du fruit de toute une vie de travail.

Cette présentation météo fictive a été publiée en 2014 pour alerter sur le réchauffement climatique. Elle a été rattrapée par la réalité avec trois décennie d’avance.

Pour beaucoup, dans la Nièvre, les catastrophes de la crise climatique restent confinée à la boîte à images. Irréelles. Elles y sont pourtant. Après la Saône-et-Loire hier, c’est notre département qui est frappé par des grêlons gros comme des balles de tennis. Jusqu’à quand la société pourra-t-elle supporter le coût des dégâts sanitaires, des indemnités de catastrophe “naturelles”, des relogements d’urgence, des reconstructions  ? Jusqu’à quand un parti d’extrême-droite pourra-t-il faire croire que des frontières peuvent contenir des centaines de millions de migrants climatiques poussés sur les routes par l’enfer que le confort occidental à généré chez eux  ? Pas longtemps. Les températures enregistrées en France la semaine du 19 juin 2022 dépassent celles annoncées pour 2050 dans une présentation météo vue comme de la science-fiction il y a sept ans seulement  !

Débrouiller les liens

Si nous ne parvenons pas à faire comprendre l’énormité de la menace climatique, le drame de l’extinction des espèces, ni à démasquer les profiteurs de la catastrophe et leurs relais politiques jusque dans le plus petit village de la Nièvre, les mains arrachées et les yeux crevés sous Macron ne seront rien en comparaison de la violence dans laquelle notre société va plonger. Que beaucoup de nos concitoyens n’en prenne pas la mesure est une chose. Que des responsables politiques qui ont eu entre les mains les rapports du GIEC agissent sciemment contre l’intérêt général en est une autre.

Débrouiller les liens entre les mesures approuvées par les élus et les bénéficiaires locaux de ces mesures, en vérifiant notamment si les représentants du peuple élus dans la Nièvre ont agi pour l’intérêt général ou sous l’influence d’intérêts privés. Voilà aussi à quoi peut servir un Parlement populaire local.

Depuis longtemps, dans le département, des citoyens, isolés ou membres de collectifs, font ce travail, mais chacun dans sa spécialité. Ils le font avec difficulté. Tous se heurtent à l’opacité de l’administration et aux limites du bénévolat face à des lobbies largement financés. Le parlement local en chantier peut être le lieu de mutualisation de moyens et d’informations dont le mouvement citoyen social et écologique manque trop pour ne pas s’épuiser à la tâche.

Il peut être un lieu de mise en lumière des débats (dans un parlement… on parle) qui animent la société locale, une agora devant laquelle les élus du département engagés à travers leurs fonctions exécutives dans une démarche sincèrement sociale et sincèrement écologique pourront venir expliquer leurs actions et entendre les propositions du Parlement populaire, selon les modalités définies par son assemblée.

Il peut être un lieu d’éducation populaire pour tendre vers une démocratie réelle où «  les politiques  » ne sont plus une caste mais chacune et chacun d’entre nous, où la possibilité de participer n’est pas entravée par un parcours scolaire qui scelle votre place dans la société et laisse les jeunes gens à la merci de n’importe quelle propagande haineuse. Comment, en effet, comprendre ce qu’est l’extrême-droite quand ont sort d’un lycée professionnel où l’histoire n’est plus enseigné  ?

Un parlement populaire local peut enfin être le maillon d’un réseau rural citoyen pour organiser la planification écologique  : c’est dans les territoires ruraux, producteur de l’alimentation, des matériaux, des ressources que, concrètement, elle doit être mise en route.

L’équipe qui œuvre à la composition de ce parlement est issue des personnes qui ont fait la campagne des législatives sans renoncer à défendre le programme de la NUPES. Pour les contacter, cliquez ici, le message sera transmis.


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