[tribune] Urgences : le gouvernement dégrade encore l’accueil

Christophe Prudhomme est médecin urgentiste au Samu 93 de Bobigny depuis 1987, représentant CGT des médecins, membre du Parlement de l’Union populaire.

Le gouvernement encore en place profite de la situation politique pour publier des textes législatifs en comptant sur l’absence de relais par les médias, donc une absence d’information et de réaction de la population. Ainsi un arrêté publié le 2 juillet précise les modalités de mise en œuvre d’un décret de décembre 2023 définissant des « conditions temporaires de l’accès aux urgences » qui restreint encore plus la possibilité d’accès aux services d’urgence.

Nous sommes déjà dans une situation très dégradée, avec les fermetures régulières et inopinées de très nombreux services, obligeant les patients à appeler le centre 15 au préalable pour savoir s’ils peuvent se rendre dans leur hôpital de proximité ou s’il faut se diriger vers un autre établissement plus éloigné. Il est ainsi précisé que l’accueil physique dans les structures d’urgence peut être assuré par un professionnel de santé ou une personne titulaire de l’attestation de formation aux gestes et soins d’urgence, c’est-à-dire un secouriste.

En clair, en situation d’urgence, lors de votre arrivée dans un hôpital, la personne avec laquelle vous pourrez avoir un premier contact sera titulaire d’une formation durant 14 heures pour le premier niveau et 21 heures pour le deuxième niveau  ! Quelle que soit la bonne volonté de ces personnes, cette procédure met clairement les patients et elles-mêmes en danger, avec un risque de mauvaise appréciation de la gravité potentielle de la situation.

Une autre partie du texte explique qu’une orientation préalable, en amont de l’accueil du patient et de sa prise en charge sera effectuée par un auxiliaire médical «  qui met en œuvre des protocoles d’orientation préalable par délégation du médecin présent dans la structure  ». Donc vous ne verrez pas de médecin mais ce qu’on appelle un·e infirmier·re «  d’orientation et d’accueil  » qui pourra décider de vous réorienter vers une consultation en ville auprès d’un médecin ayant transmis ses disponibilités à l’hôpital. En clair, tout est fait pour que ne puissiez pas entrer dans le service d’urgence et être vu par un médecin. Mais tout n’est pas perdu car il est prévu que ce dispositif doit faire «  l’objet d’une information de la population incluant une diffusion sur le site internet de l’Agence régionale de santé  ». Donc, en situation d’urgence, n’oubliez pas de consulter le site internet de l’ARS avant de vous précipiter aux urgences  !

Cette situation de dégradation de notre système de soins devient de plus en plus intolérable. Cette casse du service public de santé accélérée par la politique menée par E. Macron peut aujourd’hui être stoppée en s’appuyant sur les résultats des élections législatives. Le programme du Nouveau Front populaire est une bonne base pour remonter la pente, mais il faut être conscient qu’il ne suffit pas de mettre un bulletin dans l’urne pour imposer les changements nécessaires. Seules des mobilisations puissantes des professionnels de santé avec la population sur le terrain permettront d’imposer d’autres choix pour notre Sécurité sociale et de rétablir un service public de santé permettant à chacun de pouvoir se soigner en proximité, sans être obligé de renoncer aux soins pour des raisons financières.