Le nouveau gouvernement ne présente qu’une seule solution pour financer notre système de protection sociale : faire des économies en diminuant les prestations et stigmatiser ceux qui profitent du système. Il relaie ainsi la rhétorique du RN qui désigne comme la cause de nos déficits des profiteurs qui seraient bien évidemment les étrangers venus en France pour bénéficier des largesses de son système social. Mais plusieurs publications récentes balayent ces arguments et montrent qui sont les premiers fraudeurs.
Il s’agit notamment d’un rapport Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS). Cet organisme prestigieux rattaché au ministère des Finances évalue la fraude sociale à 13 milliards d’euros. Or, seul un tiers est attribuable aux assurés sociaux. Les deux autres tiers sont le fait des entreprises, des travailleurs indépendants et des professionnels de santé. Il est souligné que les outils de contrôle sont bien plus élaborés dans le domaine de la protection sociale que dans le domaine fiscal et qu’il est plus facile de récupérer l’argent sur les assurés sociaux que sur les entreprises qui fraudent l’URSSAF, car elles peuvent disparaître ou organiser leur propre insolvabilité.
Le rapport utilise un doux euphémisme en parlant de la « crédulité de l’État » dans des secteurs où une partie des services publics sont confiés au privé, notamment dans le médico-social. Cela renvoie à deux scandales récents, celui d’ORPEA dans les EHPAD et celui des crèches privées. Sont également ciblés les centres dentaires et optiques ouverts par des acteurs qui n’ont jamais fait de la santé mais qui ont flairé le bon filon en surfacturant des services souvent médiocres à l’Assurance maladie.
En fait, il faut plutôt parler de prédation des finances publiques par des groupes financiers à qui les gouvernements libéraux ont ouvert la porte par des mesures législatives sur mesure. Ce qui est encore plus scandaleux est que nous apprenons que des ministres et des parlementaires sont même directement liés à certains de ces groupes et ont facilité leur développement ou ont tenté d’étouffer de possibles révélations sur leurs agissements frauduleux.
Il est encore souligné que le montant de cette fraude ne représente finalement que 1,9 % de l’ensemble des prestations. Il faut mettre ces chiffres en regard de la fraude fiscale qui est estimée entre 80 et 100 milliards par an où par ailleurs la part des particuliers payant le seul impôt sur le revenu est très faible.
Tout cela montre bien qu’il n’y a aucune volonté de mettre en avant et de traiter les vraies causes du déficit de l’État. Car bien évidemment, il faut lutter contre la fraude, mais est-ce efficace de cibler et de concentrer les moyens sur ceux qui ont volé quelques centaines d’euros ? La réponse est non et montre bien la collusion de nos gouvernants avec le monde de la finance qui veut s’emparer du marché de la partie rentable des activités aujourd’hui opérées par des services publics.