Les pénuries de médicaments se multiplient et concernent aussi des médicaments essentiels comme le paracétamol ou l’amoxicilline. Cette situation était prévisible dès le début des années 2000 où la revue Prescrire, seule publication médicale sans publicité, indiquait : « Les patients » ne doivent pas subir les conséquences des restructurations industrielles, des stratégies commerciales, des atermoiements sur des questions de rentabilité, voire de la pénurie organisée pour promouvoir des “nouveautés” plus chères ».
La situation risque encore de s’aggraver avec la menace des firmes pharmaceutiques de ne plus livrer certains produits à la France du fait de prix encadrés trop bas sur les médicaments génériques. Cette prise en otage des patients pour des raisons financières est inacceptable. Cette situation a été sciemment créée du fait des accords entre la France et l’industrie pharmaceutique lors de la promotion des génériques. En effet, l’industrie a imposé à un État gangrené par les lobbies un mécanisme tout à son avantage, compensant un encadrement des prix des génériques par une large liberté tarifaire pour tous les nouveaux produits. La stratégie a alors été de proposer de soi-disant nouveaux médicaments dès qu’un brevet tombait dans le domaine public. Cela a abouti à quelques scandales retentissants comme celui des nouveaux anti-inflammatoires vendus 20 fois plus cher que les anciens produits et qui ont été finalement retirés du marché du fait de leurs nombreux effets indésirables. Les laboratoires ont pu ainsi engranger de juteux bénéfices sans qu’il ne leur soit demandé de les rembourser. Tout ceci montre qu’une autre politique du médicament est nécessaire.
Malheureusement nous n’en prenons pas le chemin car Elisabeth Borne, sous la pression, a mis en place une « mission », stratégie bien connue pour enterrer le problème. Ce d’autant que sa composition est inquiétante, avec notamment la vice-présidente de l’industrie de la santé chez Dassault Systèmes ou encore une directrice d’Iqvia, société dénoncée dans une émission d’Élise Lucet pour sa fourniture de logiciels aux pharmaciens leur permettant une captation des données de santé des patients qu’ils revendent ensuite notamment aux assureurs.
Tout cela montre bien l’urgence de la création d’un pôle public du médicament. La première mesure serait de mettre en place une production locale publique, notamment pour les médicaments essentiels, ce qui les sortirait ainsi du principe de l’offre et de la demande qui pousse les firmes à vendre aux plus offrants même si cela génère des pénuries. Un pôle public permettrait aussi de contrôler la recherche en récupérant l’argent dilapidé dans le crédit d’impôt recherche qui a montré son inefficacité. Il s’agit des premières pistes afin de sortir le médicament du secteur marchand et d’en faire un bien commun pour l’ensemble des habitants de la planète.