[tribune] Médicaments : pendant la crise, les affaires continuent

Le billet d’humeur de la semaine du Dr Christophe Prudhomme
Christophe Prudhomme est médecin urgentiste au Samu 93 de Bobigny depuis 1987, représentant CGT des médecins, membre du Parlement de l’Union populaire.

Alors que l’attention est focalisée sur le dossier des retraites, les affaires continuent dans le domaine de la santé avec une accélération de la marchandisation du secteur. Quelques exemples sont éclairants. Citons d’abord le domaine du médicament avec le chantage des laboratoires concernant les anciens et très bons médicaments qui sont mis sciemment en rupture pour exiger une augmentation des tarifs. Eh bien le gouvernement a cédé et a accepté une révision des prix de vente des génériques.

Dans le même temps, les laboratoires qui ont très largement augmenté leurs bénéfices pendant la crise COVID se lancent dans des opérations financières de rachats de start-up dans des domaines très ciblés à haute rentabilité en délaissant de nombreuses priorités en termes de santé publique. Le meilleur exemple est la firme Pfizer dont le chiffre d’affaires a doublé entre 2019 et 2022, passant de 50 à 100 milliards de dollars, du fait d’un prix de vente de son vaccin très au-dessus des coûts de mise au point et de fabrication. Ainsi, elle se permet de racheter pour 43 milliards de dollars une petite entreprise prometteuse au niveau de nouveaux médicaments anticancéreux. Si le cancer est bien un domaine où de nouveaux traitements sont attendus, nous avons observé ces dernières années des dérives avec la mise sur le marché et la prescription de médicaments aux bénéfices très incertains, mais surtout très coûteux (souvent plusieurs milliers d’euros la dose).

En fait, le prix du médicament n’a rien à voir avec son coût mais est lié au prix de rachat des brevets comme dans le cas cité plus haut. Un autre scandale est le fait que les avancées sur les vaccins devraient être utilisées pour développer par exemple un vaccin contre le paludisme qui tue plus de 600 000 personnes chaque année dans le monde, notamment des enfants. Mais ce type de produit n’intéresse pas l’industrie pharmaceutique car le marché centré sur des pays pauvres n’est pas rentable.

Un autre exemple de la gangrène de notre système est la nomination de Claude Evin comme médiateur chez ORPEA. Il est bon de rappeler quelques éléments du parcours de ce monsieur, ancien ministre socialiste de la Santé, puis nommé directeur général de l’ARS d’Ile-de-France par Nicolas Sarkozy. Mais le pire est qu’il est celui qui a ouvert le marché des maisons de retraite qui a permis notamment la création d’ORPEA par un médecin devenu depuis une des premières fortunes de France.

Donc les affaires continuent avec toujours les mêmes profiteurs, grâce à E. Macron qui vient de sauver les actionnaires d’ORPEA en y injectant des fonds publics par le biais de la Caisse des dépôts. Bien sûr tout cela est légal, mais est immoral. C’est pourquoi face à un pouvoir politique qui bafoue la démocratie, la révolte est légitime en utilisant tous les moyens qui permettent s’instaurer un rapport de force à même de le faire reculer. Et pas que sur la réforme des retraites.