Le billet d’humeur de la semaine du Dr Christophe Prudhomme
Nos cotisations sociales correspondent à une partie de notre salaire que nous avons décidé de mettre dans une caisse de solidarité appelée Sécurité sociale afin de pouvoir payer nos frais de santé, bénéficier d’allocations familiales, de pouvoir être accompagné en cas d’accident du travail et de maladie professionnelle et toucher une pension de retraite. Il ne s’agit pas de « charges » pour les employeurs mais bien de ce qu’on appelle le salaire socialisé qui nous appartient. Il suffit d’aller aux États-Unis pour comprendre. Dans ce pays, les salariés touchent la totalité de ce qu’on appelle le coût total employeur et doivent se payer une assurance santé et mettre de l’argent dans un fonds de pension pour capitaliser pour leur retraite.
Donc l’argent de la Sécurité sociale appartient aux travailleurs et il est légitime qu’ils en assurent la gestion. Ce n’est plus le cas en France aujourd’hui. En effet, dès les années 1950 et surtout après les ordonnances de 1967, le patronat a repris la main en imposant le paritarisme qui lui a permis, avec l’aide certains syndicats complaisants, de s’assurer le contrôle du système. Puis l’État, sous le gouvernement Juppé, a pris le contrôle avec la loi de financement de la Sécurité sociale. La question qui se pose aujourd’hui avec acuité est de pouvoir décider à la fois du montant de la rémunération que nous désirons consacrer à notre protection sociale et de son utilisation. Pour cela, plusieurs conditions sont nécessaires.
- La première est de redonner les pouvoirs de gestion aux caisses et supprimer la loi de financement de la Sécurité sociale. Ce pouvoir existe encore aujourd’hui pour le régime particulier Alsace-Moselle dont le conseil d’administration peut faire varier le niveau de cotisation en fonction des dépenses de l’année antérieure, ce qui permet d’éviter les déficits utilisés aujourd’hui pour imposer des plans d’économies. Cette caisse présidée aujourd’hui par un membre de la CGT est à l’équilibre et permet un remboursement à 92 % de l’ensemble des frais de santé avec un niveau de cotisation qui est loin d’atteindre le plafond autorisé.
- La deuxième condition est de revenir à la proportion de 75 % de représentants des assurés sociaux dans les conseils.
- Enfin, il faut rétablir les élections des représentants dans les caisses car les dernières datent de 1983, ce qui constitue une véritable régression démocratique.
Revendiquer ces évolutions est une absolue nécessité. La Sécurité sociale n’est pas une administration de l’État mais un conquis des travailleurs qui permet de sortir du marché le financement de besoins sociaux essentiels. Les capitalistes n’ont jamais accepté que ce secteur, représentant près d’un tiers du PIB, leur échappe. Ils n’ont eu de cesse depuis maintenant plus de 70 ans d’essayer d’en récupérer le maximum.
Nous sommes à un moment de rupture où il faut faire des choix clairs. Soit nous les laissons poursuivre leur opération de prédation d’une partie de nos salaires, soit nous exigeons d’en récupérer le contrôle plein et entier. Ce ne doit pas être un rêve mais une exigence dans le cadre de la bataille sur les retraites.