Le billet d’humeur de la semaine du Dr Christophe Prudhomme
Face à la dégradation de notre système de santé, les soi-disant bonnes idées fleurissent. Il y a notamment celle qui veut s’attaquer à l’intérim des médecins à l’hôpital. Les différents ministres de la Santé se sont émus du niveau des dépenses et ont qualifié ces médecins de mercenaires, selon la technique de la désignation de boucs émissaires. En bonne élève de la majorité, la députée Stéphanie Rist a déposé un projet de loi pour mettre fin à ce qui est présenté comme un scandale. La vraie question est de connaître les causes de cette situation.
Les intérimaires sont très souvent des médecins qui ont démissionné de l’hôpital public pour pouvoir mieux maîtriser leur temps de travail et échapper à un système où les conditions d’exercice se dégradent d’année en année, sans espoir d’amélioration. Aujourd’hui, plus de 25 % des postes de médecins titulaires dans les hôpitaux publics ne sont pas pourvus et ce chiffre monte à près de 50 % pour les radiologues et les psychiatres. Bien sûr, nous manquons globalement de médecins mais le principal problème est aujourd’hui leur inégale répartition dans les territoires et entre le secteur public et le secteur privé. La responsabilité de cette situation incombe pleinement au gouvernement qui refuse toute régulation de l’installation des médecins et qui favorise l’activité privée avec un mode de rémunération qui permet à un radiologue ou à un anesthésiste de gagner 2 à 3 fois plus dans le privé que dans le public, avec une charge de travail moindre, car ce sont les médecins du public qui assurent la plus grande majorité des gardes de nuit et de week-ends.
Plus grave est l’intention cachée et perverse qui est d’accélérer la fermeture des hôpitaux de proximité utilisant le plus l’intérim. D’ailleurs, si ces établissements ont perdu de leur attractivité, c’est justement du fait que leur avenir étant menacé, les médecins hésitent à s’y installer. Il faut enfin dénoncer le discours de Ponce-Pilate des différents ministres et députés de la majorité qui, en tant que fervents partisans du marché, savent qu’une de ses règles est que ce qui est rare est cher, ce qu’ont bien compris les médecins intérimaires qui utilisent le fait qu’ils sont rares, donc ils sont chers !
L’application de cette loi inquiète de nombreux élus locaux qui ont bien compris que le gouvernement va pouvoir ainsi fermer très rapidement de très nombreux hôpitaux de proximité, en commençant ici par la maternité, là par la chirurgie ou encore par les urgences. L’exemple le plus emblématique est la mobilisation actuelle contre la fermeture de la maternité d’Autun. La population avec ses élus exige que l’État joue son rôle et assure l’égalité de traitement des citoyens quel que soit leur lieu de résidence sur le territoire. Cela implique une régulation et une affectation des médecins là où sont les besoins et non un regroupement des activités sur des hôpitaux éloignés et qui, de fait, se retrouveront surchargés et incapables d’assurer un service de qualité en toute sécurité.