[tribune] Abandon du métier de médecin

Le billet d’humeur de la semaine du Dr Christophe Prudhomme
Christophe Prudhomme est médecin urgentiste au Samu 93 de Bobigny depuis 1987, représentant CGT des médecins, membre du Parlement de l’Union populaire.

Après la désaffection des métiers infirmier et aide-soignant, c’est celui de médecin qui est touché. Malgré un fort attrait initial chez les jeunes qui sont nombreux à vouloir s’inscrire dans la filière médicale, nous constatons aujourd’hui un phénomène inquiétant qui est l’abandon de 5 à 10  % des étudiants en cours d’études. À cela s’ajoute un phénomène encore plus alarmant qui est l’abandon pur et simple du métier en cours d’exercice, qui concerne principalement les médecins généralistes.

Alors que la médecine a toujours été considérée comme une voie royale ouvrant à des métiers valorisants, comment expliquer cette situation  ? En ce qui concerne les étudiants, les conditions d’études sont mises en avant. Stress en première année liée au concours avec des réformes incompréhensibles fermant la porte à ceux qui sont peut-être parmi les plus motivés au départ. Le coût des études, lié notamment à leur longueur, est aussi souvent évoqué.

Mais ce qui est le plus souvent cité sont les mauvaises conditions d’accueil dans les stages hospitaliers liées principalement à la dégradation du fonctionnement des hôpitaux soumis à des contraintes financières avec un manque de personnels médicaux et non médicaux. Cela débouche sur une utilisation des étudiants hospitaliers comme main d’œuvre de substitution pour d’obscures tâches peu intéressantes et peu formatrices. Le pire survient pour les internes qui suppléent les médecins en sous-effectif, enchaînent des horaires de travail démentiels et surtout souffrent d’un encadrement défaillant et se retrouvent ainsi seuls en responsabilité de la prise en charge des patients.

À cela s’ajoute un environnement hospitalier encore trop souvent délétère avec un encadrement brutal, harceleur avec des comportements sexistes alors que près de deux tiers des étudiants sont aujourd’hui des étudiantes. Tout ceci est source d’une charge physique et psychologique qui devient insupportable pour un nombre croissant d’étudiants et que reflète un sondage récent indiquant que 40  % des étudiants en médecine ont déjà pensé arrêter leurs études.

En ce qui concerne les médecins généralistes qui ferment leurs cabinets, les raisons invoquées sont la lourdeur du travail avec une faible reconnaissance par les autorités politiques et sanitaires, qui rendent leur exercice de plus en plus difficile en leur opposant en permanence des plans d’économies pour combler le soi-disant trou de la Sécu.

Alors que la population souffre déjà d’un manque cruel de professionnels de santé et notamment de médecins, il y a urgence à un changement de politique vis-à-vis de ces métiers parmi les plus utiles socialement. En ce qui concerne les étudiants, il faut arrêter de les considérer comme une main d’œuvre à bon marché taillable et corvéable à merci et les encadrer pour leur apprendre les différentes facettes de leur métier, avec un encadrement pédagogue et bienveillant. Pour les médecins en exercice, il est urgent de faire de la médecine générale la priorité, tant au niveau des études que des conditions d’exercice matérielles et financières.