Dimanche 24 septembre se tiendront des élections qui renouvelleront la moitié du Sénat, soit 170 sièges. Comme les députés, les sénateurs votent les lois. Le président du Sénat est le deuxième personnage de l’État. En cas de vacance du Président de la République, c’est lui qui prend sa place. Cette élection, même si elle est indirecte, devrait donc mobiliser l’attention des médias, mais les écrans sont occupés par le menu du dîner offert à un monarque et le rugby remplace le débat républicain. La vieille recette du pain et des jeux actualisée, la nourriture restant tout à fait virtuelle.
La majorité à droite et la réélection de Gérard Larcher à la présidence du Sénat, alors que son parti, avec 4,8 %, a fait à l’élection présidentielle le score le pire de son histoire, sont rendus possibles par cette absence de débat. Avec la complicité des élu·es qui se sont présenté·es aux municipales en racontant que les élections locales ne sont pas politiques alors qu’ils détiennent le privilège de l’élection des sénateurs.
C’est le 9 juin dernier qu’ont été désignés, au sein des conseils municipaux réunis pour l’occasion, les délégués des communes aux élections sénatoriales. Ils représentent 90 % des 78 000 “grands électeurs” du pays. Dans les communes rurales, souvent, il s’agit du maire, mais il arrive que le conseil municipal choisisse un·e autre membre, soit que la ou le maire soit indisponible ce jour-là, soit, beaucoup plus rarement, qu’un·e autre candidat à la délégation emporte les suffrages du conseil. C’est le cas à Champlin, où Audrey Delemarle, conseillère municipale et candidate de la France insoumise pour ce scrutin, a été désignée alors que le maire se présentait aussi.
Quoi qu’il en soit, pour leur immense majorité et vu le mode de scrutin, en votant aux municipales (comme aux départementales et aux régionales), les Françaises et les Français ont voté pour les sénateurs sans le savoir. Dire que les élections municipales “ne sont pas politiques” est donc un mensonge d’autant plus grave que le Sénat, aux termes de l’article 24 de la Constitution, vote la loi avec l’Assemblée nationale, contrôle l’action du gouvernement, évalue les politiques publiques, et surtout assure la représentation des collectivités territoriales, ce qui est censé avantager la ruralité. En dissimulant leur rôle, les élus locaux ruraux contribuent en fait à invisibiliser la ruralité.
Qui élit les sénateurs ?
Les sénateurs sont élus par un collège de 78000 personnes composé à 90 % des délégués des conseils municipaux, le nombre de délégués variant en fonction de la taille de la commune. Les autres grands électeurs sont :
– les sénateurs ;
– les députés ;
– les conseillers régionaux élus dans le département ;
– les conseillers départementaux (ou les conseillers des collectivités à statut particulier) ;
– les membres des assemblées territoriales pour certaines collectivités (Martinique, Saint-Pierre-et-Miquelon, Nouvelle-Calédonie).
Pour les candidats, parler largement des enjeux des sénatoriales est de plus rendu très difficile quand ils ne bénéficient pas déjà d’audience dans les médias : les règles de financement de la vie politique sont ainsi faites que, pour cette élection, seuls les frais engagés en direction des grands électeurs sont remboursés. Dans la Nièvre, ils sont 729 pour plus de 150 000 personnes inscrites sur les listes électorales. Tout est donc fait pour que les simples citoyen·nes, au nom de qui est pourtant proclamée la loi, soient tenus à l’écart du scrutin.
Et qu’ils ne comptent pas sur la presse locale pour susciter le débat : le Journal du Centre a publié une série d’articles présentant les candidats… à l’exception des représentants de la France insoumise.
Quand le Journal du Centre trie les candidatures aux sénatoriales
Alors que la candidature de témoignage d’un avocat strasbourgeois retient l’attention du quotidien, aucun article n’est consacré à Audrey Delemarle et Laurent Nicolle, candidats LFI. Ils sont juste mentionnés dans la liste des candidats. Le mouvement insoumis a pourtant annoncé depuis longtemps son intention de présenter des candidats dans tous les départements concernés, après le refus d’EELV, du PC et du PS de présenter des candidatures unique pour la Nupes. Le journal, qui dispose évidemment des coordonnées de militants du mouvement insoumis, n’a pas jugé utile de les contacter, ni de mentionner le communiqué qui lui a été envoyé. Relancé, il propose une interview à une date impossible pour la candidate (qui travaille). Et refuse de publier le communiqué, ou même un extrait “par souci d’équité” ( !). Par souci de réelle équité, nous publions donc le courrier que les candidats LFI ont envoyé aux grands électeurs en bas de cet article.
Pour les autres, surtout, pas de questions qui fâchent. Il aurait pourtant été intéressant de demander à Patrice Perrot à quoi tenait sa sincérité quand il s’est présenté au mandat de député, puisqu’il souhaite le quitter pour le Sénat un an après. On n’ose imaginer que sa volonté d’être “plus présent auprès des élus locaux” traduise sa nostalgie d’un premier mandat où il mettait rarement les pieds à l’Assemblée et le choc du début du second, où l’absence de majorité présidentielle l’oblige à remplir concrètement ses fonctions. Cela ne peut tout de même pas tenir à la réforme des retraites qu’il a votée …et ne s’applique pas aux sénateurs. Puisqu’il est déjà parlementaire et qu’il a voté tous les budgets qui étranglent les finances des collectivités territoriales à qui il fait aujourd’hui les yeux doux, il eût été utile d’avoir sur le sujet quelques explications…
Pas de question qui fâchent pour le sénateur sortant Patrice Joly. Pourtant, quand des dizaines de projets de panneaux photovoltaïques dans les champs sont annoncés dans la Nièvre, les habitant·es des communes concernées auraient sûrement été intéressés de savoir pourquoi M. Joly a voté la loi qui en assure l’accélération. Le même sujet aurait pu être abordé avec les candidats d’EELV et du PC. Les représentants locaux de ces partis clament leur opposition aux usines photovoltaïques dans les champs et les forêts, pendant qu’au Sénat, le groupe des premiers a voté pour la loi d’accélération, et que le groupe des seconds s’est abstenu.
Pas de question qui fâche non plus au candidat lepéniste. Pourtant, on aimerait savoir comment il se fait que le RN, autoproclamé premier opposant à Macron, ne réussit à présenter qu’un candidat pour deux postes à pourvoir. Serait-ce le fait de la désertion des volontaires, qui ne voient plus trop la différence avec le parti présidentiel, quand le RN est aux abonnés absents alors que tout le pays proteste contre la réforme des retraites et que ses députés votent pour des lois de la macronie ou les laissent passer en s’abstenant à l’Assemblée nationale ?
Il est toujours temps de poser la question aux délégués de vos communes : pour qui votent-ils aux sénatoriales ? Leur réponse vous fera à coup sûr regarder vos élus locaux d’un autre œil et à songer à leur responsabilité dans la crise écologique, sociale, économique et démocratique dans laquelle nous sommes plongés quand de prochaines lois seront adoptées par le Sénat.
La liste des candidats aux élections sénatoriales dans la Nièvre :
Nuance | Nom des candidats |
---|---|
Parti socialiste | Marie-Christine AMIOT |
Renaissance | Fabrice BERGER |
La France insoumise | Audrey DELEMARLE |
Divers gauche | Eliane DESABRE |
Rassemblement National | Julien GUIBERT |
Parti socialiste | Patrice JOLY (sortant) |
Divers | André KORNMANN |
Europe écologie les Verts | Dominique MAURIN |
La France insoumise | Laurent NICOLLE |
Divers centre | Christophe NORMIER |
Renaissance | Patrice PERROT |
Parti communiste français | Olivier SICOT |
Divers centre | Nadia SOLLOGOUB (sortant) |
Europe écologie les Verts | Carole TABBAGH GRUAU |
La lettre adressée par les candidats de la France insoumise aux grands électeurs de la Nièvre :