Pour l’apiculture aussi, les aides sont pour les gros

Nouvel épisode de la série Les petits n’ont droit à rien  : le ministère de l’Agriculture a débloqué une aide destinée à compenser la chute des prix liée à la suppression des droits de douane pour l’Ukraine, qui bénéficiera à moins de 3 % des apiculteur·ices français·es. Les autres n’auront doit à rien.

Appelée par le ministère “dispositif d’indemnisation exceptionnel des exploitations apicoles affectées par les conséquences économiques de l’agression de la Russie contre l’Ukraine en 2023”, cette aide est la conséquence des importations massives qui ont suivi la suppression des droits de douane pour le miel importé d’Ukraine après l’invasion russe et ont conduit à une chute des prix d’achat aux producteur·ices. Les client·es de la grande distribution ne s’en sont pas rendu compte, les prix n’ayant pas baissé en magasin.

Il eût été plus judicieux d’anticiper les conséquences prévisibles de la suppression des droits de douane ou mieux  : d’utiliser un autre moyen pour aider les Ukrainiens que la paupérisation des Français·es, mais la mesure ayant été instaurée, une aide était indispensable. Problème  : elle ne sera octroyée qu’à une toute petite minorité des apiculteur·ices en France, environ 2 000 professionnels qui se partageront 4,3 millions d’euros (à condition bien sûr d’en faire la demande1 et d’avoir subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 30 % en 2023 par rapport à la période de référence 2018-2022. Pour les autres, rien.

Cette inégalité institutionnelle est socialement injuste, mais aussi dangereuse pour tout le monde. Les apiculteur·ices jouent un rôle indispensable dans la préservation de la biodiversité, puisque leurs abeilles, qui contribuent à la pollinisation des végétaux sont en grand danger, du fait de l’utilisation massive de pesticides.

Plus d’éleveurs d’abeilles, cela signifie à court terme des mauvaises récoltes de fruits, l’augmentation des prix et à moyen terme la disparition d’espèces végétales et animales (des animaux aussi, mangent des fruits…). Après une année 2023 où le miel s’est mal vendu, voire s’est bradé, la profession vient de subir une très mauvaise année du fait de la météo très pluvieuse au printemps et une bonne partie de l’été. Beaucoup ont divisé leur récolte de miel par dix. Cela veut dire dix fois moins de rentrée d’argent, donc l’impossibilité d’acheter les essaims nécessaires au repeuplement (un essaim coûte entre 150 et 200 €).

Il s’agit surtout d’un des nombreux exemple d’une politique agricole menée à l’inverse de ce que la logique écologique commande  : diversifier les activités agricoles. Beaucoup d’apiculteur·ices ont en effet moins de 200 ruches, mais pratiques d’autres activités de culture ou d’élevage. En bref, iels ont des fermes normales, où l’on cultive des arbres et arbustes fruitiers, des plantes potagères ou céréalières dont les fleurs nourrissent les abeilles qui en améliore la pollinisation, donc la productivité …sauf en cas de météo déplorable comme en 2024, où les récoltes de fruits comme de céréales se sont effondrées. Les fermes exemplaires sont doublement sanctionnées  : pas d’aide pour le miel et pas ou peu d’aides pour le reste, puisqu’elles sont établies avec la même logique.

  1. Le dépôt des dossiers de demande d’aides est ouvert du 5 août au 20 septembre 2024 à 14h00 sur la plateforme unique de dépôt  : https://pad.franceagrimer.fr/pad-presentation/vues/publique/retrait-dispositif.xhtml?codeDispositif=API_2024 ↩︎