Les arboriculteurs ne sont pas dans la liste des agriculteurs que la direction de l’Office français de la biodiversité (OFB) demande à ses agents de contrôler pour vérifier qu’ils n’abusent pas de pesticides pendant la période de floraison. Un permis de tuer les insectes pollinisateurs déjà en grand danger, quand on sait que les fruits sont les denrées agricoles qui reçoivent le plus ces substances toxiques.
Dans une note du 20 avril dernier que le journal Le Monde s’est procurée, la direction de la police de l’OFB a prévu des enquêtes sur la base de “constatation en flagrance” pour non-respect de la réglementation sur l’utilisation des pesticides, en application de l’arrêté “abeilles” de 2021, mais si les champs de colza et de tournesol figurent bien dans la liste des cultures à contrôler, ce n’est pas le cas de l’arboriculture, alors que ce secteur est précisément celui qui utilise le plus de pesticides.
L’arrêté “abeilles” complète la réglementation européenne sur les risques des pesticides pour la santé humaine, la santé animale et l’environnement. Il prévoit une évaluation et une autorisation spécifiques pour l’utilisation de tous les produits dits “phytopharmaceutiques” (les pesticides) en période de floraison. C’est l’Anses qui effectue en France ces évaluations. Certains pesticides sont totalement interdits en période de floraison. Pour les autres, les traitements peuvent être réalisés dans les deux heures qui précèdent le coucher du soleil et dans les trois heures qui suivent le coucher du soleil, autant que possible en dehors de la présence des insectes pollinisateurs, donc …sauf exception : une liste de cultures qui ne sont pas considérées comme “attractives pour les pollinisateurs” est en effet publiée et régulièrement actualisée. Voici celle en vigueur :
- céréales à paille (avoine, blé, épeautre, orge, riz, seigle, triticale, tritordeum et autres hybrides de blé
- graminées fourragères (dont moha et ray-grass, hors maïs)
- houblon
- lentille
- pois (pisum sativum)
- pomme de terre
- soja
- vigne
Autant dire que l’arrêté “abeilles” n’empêche pas de pulvériser des pesticides sur une grande partie du territoire. Avec la note qu’a révélée Le Monde sur la “conduite à tenir” pour les missions de police judiciaire des agents de l’OFB, on apprend en plus qu’il n’est pas appliqué, pendant que la présence des pesticides dans les fruits vendus au sein de l’UE a considérablement augmenté au cours des dix dernières années, selon un rapport de l’ONG Pesticide Action Network Europe (PAN) publié en mai 2022.
- 29 % des fruits frais contiennent des traces de pesticides, contre 18 % en 2011.
- les pommes, le fruit le plus cultivé sur le continent, sont contaminées à 34 % (contre 16 % en 2011)
- les fruits les plus contaminés en Europe sont les mûres (51 %), les pêches (45 %), les fraises (38 %) et les abricots (35 %).
- l’utilisation des pesticides s’étend en quantité et touche des cultures plutôt épargnées jusqu’à présent, comme le kiwi (32 % sont aujourd’hui contaminés contre 4 % il y a dix ans)…
Coïncidence, sans doute, Sophie Ionascu, est entrée le 3 mai au cabinet du ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation Marc Fesneau. Elle était juste avant directrice de la communication de l’Ania, principal lobby des industriels de l’agroalimentaire…