[législatives] Éteindre l’incendie d’abord

Dimanche, une nouvelle Assemblée nationale va être élue au terme d’une campagne où les mensonges, les fausses informations, les prophéties réalisatrices auront remplacé le débat. Mais tant que les bulletins ne sont pas dans l’urne, rien n’est joué. Heureusement, pendant la journée du samedi et le dimanche jusqu’à la fermeture des bureaux de vote, il est encore temps de repasser le film et de déjouer l’arnaque.

Tout s’est passé si vite… Nous avons presque oublié que les élections législatives ont été provoquées par la dissolution de l’Assemblée nationale, laquelle a immédiatement suivi l’annonce des résultats des européennes. Pourquoi tant de précipitation  ? Si nous avions eu le temps de regarder ces résultats, nous aurions réalisé par exemple que le parti qui détient le pouvoir ne rassemble que 14,6 % des voix. La dissolution a donc d’abord permis à la macronie d’escamoter le fait qu’elle est désavouée par l’immense majorité (85,4 %  !), ce qui lui a permis ensuite de prendre une place équivalente au Nouveau Front Populaire dans les médias alors que cette coalition fait deux fois plus de voix et de déplacer, une fois de plus, le débat politique vers la droite.

Le tour de passe-passe a d’autant mieux fonctionné que, comme d’habitude, les élections se déroulent à une période où les populations rurales, premières concernées par le vote RN selon les médias, sont accaparées par le travail agricole. Même quand on n’est pas agriculteur, c’est la période où le jardin demande le plus de travail, surtout quand une météo de printemps pourrie complique la tâche.

Le soir du 9 juin, dès la dissolution annoncée, une seule question envahissait tout l’espace médiatique  : le RN peut-il obtenir la majorité absolue à l’Assemblée nationale, donc gouverner la France  ? Alors qu’avec 31,37  % le RN était en tête aux européennes, mais minoritaire, voilà qui semblait tout à fait possible, graphiques et projections en sièges à l’appui.

Le 10, déjouant une partie des plans d’Emmanuel Macron, naissait le Nouveau Front populaire. Après avoir rompu l’accord de la Nupes et refusé l’alliance pour les européennes, mais pris de court dans une tentative d’accord sans LFI, ses ex-partenaires admettaient que seul un programme d’union de la gauche et des écologistes, LFI comprise, pouvait empêcher le RN d’obtenir une majorité, même relative.

Le premier à tirer les leçons est le parti qui a le plus perdu aux européennes  : EELV, devenu Les Écologistes (LÉ) a chuté d’1,7 millions de voix entre 2019 et 2024 et perdu plus de la moitié de ses sièges. La prétention au monopole de l’écologie n’aura pas réussi à masquer le fait, répété par Manon Aubry à chacune de ses interventions, que les député·es européen·nes LFI appartiennent au seul groupe qui a voté contre tous les accords climaticides de libre-échange…

Du côté des sociaux démocrates, si la liste menée par R. Glucksmann engrangeait les bénéfices d’une ahurissante campagne de diffamation contre LFI, traitée d’antisémite tandis que tout ce beau monde défilait aux côté du RN fondé par des SS, il devenait assez évident que le mensonge ne tiendrait plus longtemps avec l’accumulation de massacres perpétrés par Israël à Gaza et que les Français·es re-feraient la différence entre la critique d’un État colonial et le délit d’antisémitisme. De même, ranger LFI dans la case “extrême-gauche” devenait vraiment compliqué quand le Conseil d’État lui-même dit le contraire. Surtout, une élection législative, ce sont 577 candidat·es qui auraient mis en lumière l’état réel du Parti socialiste, où les acteur·ices de Mon ennemi, c’est la finance restent majoritaires et les militant·es de moins en moins nombreux.

Le 11 juin, lendemain d’accord du NFP sortaient les premiers sondages, plaçant le RN de 33 à 34 % pour les législatives. Ce n’était toujours pas la majorité, et en lisant plus loin que les premiers paragraphe des articles, on pouvait d’ailleurs comprendre que le RN ne pourrait gouverner seul, mais qui lira plus loin que les premiers paragraphe, quand en plus ils sont relégués après une vidéo qui n’a rien à voir  ? Pas grand monde.

Le RN n’a que 1,24 % d’avance

Le 30 juin, Comme attendu (par les éditorialistes), au soir du premier tour des législatives, le RN réalise le record de 33,2  % des voix, loin devant le Nouveau Front Populaire et ses 28,1  %… du moins d’après les estimations  : publiés le lendemain, les résultats définitifs placent le RN à 29,26  % et le NFP à 28,06  %. Les 5 points d’écart ont fondu. Ils ne sont plus que 1,24 %.

Rétablir cette réalité est alors d’autant plus difficile que beaucoup de médias laissent en ligne les estimations en les faisant passer pour les résultats. C’est le cas par exemple du Journal du Centre, avec cet article publié le 30 juin, non corrigé et toujours accessible le 5 juillet directement depuis la page d’accueil de son site (il reste d’ailleurs le deuxième article le plus lu).

“Union républicaine”  : la bouée de sauvetage de Macron

C’est donc sur la foi de faux résultats que l’idée d’une “union républicaine”, du PC à LR” a été émise depuis le parti présidentiel, lequel, on le rappelle, a perdu toute crédibilité en matière de lutte contre l”extrême-droite. Sauf pour les médias mainstream, comme on dit, et ceux qu’ils adoubent. Ainsi François Ruffin, qui ne parle en fait que depuis le parti local Picardie Debout depuis qu’il a mis fin au secret de Polichinelle de son départ de LFI, bénéficie immédiatement d’une audience nationale pour vanter les mérites d’une alliance avec la droite et réduire le programme du Nouveau Front Populaire à 3 mesures (l’accord de législature initial en prévoit 50 fois plus). Ainsi Marine Tondelier, proclamée meilleure porte-parole du Nouveau Front Populaire après avoir envisagé une telle union, malgré l’échec de son parti aux européennes.

Ces deux-là et quelques autres ne représentent qu’une petite minorité des électeur·ices du Nouveau Front Populaire. La réalité, c’est que jusqu’au dépouillement du second tour, voilà où nous en sommes  : le nombre d’élu·es au premier tour est de 74  : l’extrême-droite a 37 élus, le NFP 32, la droite 5. Il reste donc 503 sièges à pourvoir.

Dans 275 des 503 circonscriptions restantes, il y a un·e candidat·e du Nouveau Front Populaire. Il faut en élire 257. Bien sûr, certain·es traînent une batterie de casseroles, certain·es aient trahi, menti, ne pensent qu’à préserver leur confortable place, voire à en trouver une plus rentable.

Bien sûr ; certain·es, dont nous nous croyions débarrassé·es, sont ressorti·es de leurs placards. Au soir du 7 juin, même si le NFP n’obtient qu’une majorité relative, c’est tout de même son programme qui s’appliquera. Et après tout, tout le monde peut changer. Il est possible de devenir écologiste, donc de renoncer au productivisme. C’est ce qu’a fait Jean-Luc Mélenchon en quittant le PS pour fonder le Parti de Gauche avec Martine Billard, après le référendum de 2005.

En répondant “oui” à toutes les questions posées par Adret Morvan aux candidat·es, Christian Paul, candidat dans la seconde circonscription de la Nièvre, donne ainsi raison aux militant·es de l’association qui ont combattu victorieusement il y a dix ans son projet de mégascierie-incinérateur (Erscia). Lui qui défendait l’industrialisation se prononce à présent contre les coupes rases et voterait pour une série de mesure protectrice des écosystèmes forestiers et de leur service public. Depuis sa défaite dans l’élection qui a suivi l’affaire, là où il peut intervenir, c’est-à-dire sur la forêt communale de Lormes, la gestion forestière n’est en effet pas loin d’être exemplaire et on peut lui accorder le fait que pendant son mandat sous Hollande, s’il n’a pas choisi de rejoindre l’opposition, du moins n’a-t-il pas cautionné les mesures liberticides et antisociales du Président d’alors et de son ministre de l’Économie Macron. Christian Paul menait les “frondeurs” à l’Assemblée nationale. Pour le non cumul des mandats (il a déjà effectué quatre mandats), on attendra, mais il y a plus urgent.

L’urgent  : arrêter la machine capitaliste avant de n’avoir comme meilleur choix que la survie sur une planète à +5° en travaillant toujours plus, pour toujours moins

Christian Paul comme 275 autres se sont engagés à défendre le programme du Nouveau Front Populaire. Voilà la différence avec celui de l’extrême-droite. Le RN, c’est le néolibéralisme de Macron, le racisme en plus.

Le RN est une dangereuse arnaque. Il faut tout faire pour stopper l’incendie d’abord. C’est possible. Il suffit de faire pencher la balance le plus à gauche possible, dans chaque circonscription.

En n’oubliant pas que s’occuper des incendiaires ne dispense pas de demander au plus tôt des comptes à leurs complices.

Rendez-vous le 8 juillet.