Ils sont d’abord apparus il y a quelques années dans le sud de la France. L’année dernière, on en a vu dans le nord du Morvan. Contre la prolifération des frelons asiatiques, jusqu’à présent, le remède semblait pire que le mal. Grâce à l’association Pollinis, des chercheurs ont trouvé la solution… en regardant la nature.
Ça devait arriver. À force de déménager constamment tout et tout le temps, la mondialisation accélérée des échanges charrie avec elle le réchauffement climatique provoqué par sa pollution mais entraîne aussi dans son sillage des catastrophes pour la biodiversité. On peut être content de cueillir des amandes dans le nord Morvan (c’est arrivée en 2019), réputé naguère pour son climat plutôt rude. Seulement, pour faire des amandes, mais aussi des pommes, des poires, des tomates, bref, tout ce qui fleurit et doit être pollinisé, il faut des abeilles. Et c’est là que les réjouissances sont de courte durée : c’est par exemple en important des poteries de Chine en 2004 qu’un horticulteur du Lot-et-Garonne a introduit en France le frelon asiatique, bien plus dangereux que notre “guichard” européen. Il n’a pas encore chez nous de prédateur, grignote allègrement les fruits de nos jardins, est plus agressif et surtout, détruit les ruches.
Les premiers d’entre nous à souffrir de la prolifération des frelons asiatiques sont les apiculteurs. Leurs revenus, déjà largement entamés par la mortalité des abeilles due aux pesticides et aux épidémies qu’ils entraînent, chutent encore brutalement en cas d’attaques. La raréfaction des abeilles, donc la diminution des récoltes, atteint ensuite les arboriculteurs et les maraîchers, dont la production, déjà minorée par les épisodes de gels tardifs et les sécheresses toujours plus sévères, dépend de la pollinisation. À la fin, le problème posé par cet insecte de quelques centimètres met toute la société en danger. Comme les prix augmentent (les vertus dans la concurrence “libre et non faussée”, sans doute…), ce qui était considéré par beaucoup depuis les années 70 comme un loisir pratiqué essentiellement par des retraités devient une nécessité. Nous cherchons tous à cultiver quelques tomates et plantons des fruitiers. Pour les ruraux, ces plantations sont depuis toujours indispensables à leur subsistance. On n’achète des fruits “du commerce” qu’en dernier recours. On connaît la différence avec ceux du jardin, et de toutes façons, la faiblesse des revenus interdit d’acheter toute l’alimentation. Il est donc urgent de trouver une parade au frelon asiatique, en attendant qu’une autre espèce nous aide.
Comme d’habitude, les mêmes qui ont provoqué le problème ont proposé une solution encore pire
En obtenant que tous les “freins” à la mondialisation des échanges soient supprimés par des responsables politiques mangeant dans la “mains invisible du marché”, les actionnaires des multinationales ont rendu moins chère une poterie pourtant fabriquée à l’autre bout de la planète. Dedans, un frelon. Leurs cadeaux sont toujours empoisonnés. Et c’est du poison qu’ils proposent évidemment pour en venir à bout. Que leurs insecticides massacrent tout le monde autour, à commencer par… les abeilles, et durablement, en plus (le poison ne s’évapore pas une fois sa besogne antifrelon accomplie !), ne les chagrinent pas le moins du monde. Que l’on commence à observer des frelons en pleine forme bien que recouverts de poudre insecticide n’est pas un souci. On nous proposera bientôt un poison plus violent. La communication est rodée. Croient-ils.
Observer, apprendre, respecter
Les effets de la logique mortifère ultralibérale sont désormais trop visibles. Même à coup de centaines de millions d’euros en frais de lobbying, sa crédibilité s’écroule. Aidés des connaissances acquises et transmises par les pionniers de l’écologie, les citoyens s’organisent et mettent au point des méthodes alternatives excluant l’utilisation de la chimie.
Premier réflexe : on brûle. C’est comme cela que l’humanité s’est débarrassée depuis des milliers d’années des pestes qui la menaçaient. Donc, mettre le feu au nid. Encore faut-il que celui-ci soit atteignable. Là où ils sont le plus souvent, dans les arbres, il est trop difficile de maîtriser le feu, surtout en période de sécheresse. C’est en observant les frelons asiatiques dans leur milieu d’origine que les chercheurs travaillant grâce à Pollinis ont mis au point une méthode de lutte. En Asie, ce sont les abeilles elles-mêmes qui se défendent contre les frelons. Elles sont extrêmement résistantes à la chaleur (elles supportent 54°). Les frelons, moins. Au-delà de 45°, ils meurent. Les abeilles encerclent donc le nid des frelons et battent des ailes pour augmenter la chaleur, jusqu’au trépas des frelons. Aucun effet collatéral.
Hacène Hebbar, coordinateur des projets chez Pollinis, met au point un prototype sans produit toxique. Cet appareil que l’on porte au bout d’une perche, propulse de la vapeur à une température contrôlée. Les premiers tests en laboratoire sont très encourageants. Sur le terrain, l’équipe a jusqu’en novembre pour vérifier le bon fonctionnement du système : c’est à l’automne que les nids sont repérables dans les arbres.
On vous tient au courant des progrès, d’autant que, si ça se trouve, cet engin pourrait être utilisé aussi contre les chenilles processionnaires, quand les populations d’oiseaux (notamment les mésanges, une autre raison de les protéger) sont trop faibles pour remédier à ce fléau.
Et si vous voulez aider Pollinis, c’est là.