Pour la première fois, une carte indicative de l’utilisation des pesticides par commune en France est disponible. Elle a été mise en ligne par l’association Solagro. Zoomez sur votre commune et envoyez-nous vos réactions !
Pourquoi rechercher des informations sur les pesticides ? Parce qu’ils nous rendent malades ! Même à faible dose, les risques de cancer, de maladies respiratoires ou cardio-vasculaires sur les êtres humains et autres organismes ne sont plus à démontrer. Pulvériser du désherbant ou “arroser” les patates, ce n’est pas un geste anodin. C’est un geste dangereux, pour soi-même, pour les autres, pour toute la biodiversité. Ce geste est dangereux et irresponsable. La biodiversité dont nous dépendons connaît une telle chute, en raison des actions humaines, que nous assistons à la sixième extinction des espèces.
Pas d’insectes pollinisateurs (dont les abeilles bien sûr), pas de fruits. Des scientifiques l’ont dit dès la généralisation avec l’agriculture industrielle, des ONG, des militants politiques l’ont écrit sur des pancartes, crié à des tribunes, manifesté par millions… Les dirigeants politiques ont proclamé des intentions : nous devons absolument remplacer à court terme des produits chimiques sous peine de disparaître nous aussi. Difficile de faire autrement : de plus en plus de citoyens établissent le lien entre les pesticides et la multiplication de pathologies mortelles dans les campagnes, la disparition des insectes et d’un nombre considérable d’animaux. Qu’en est-il en réalité ? La carte de Solagro en donne une idée. Et elle n’est pas reluisante.
L’association Solagro délivre ses conseils, organise des formations, publie des études et propose de l’ingénierie sur des projets énergétiques (méthanisation, biogaz, bois énergie) et sur la préservation de la biodiversité. Elle travaille aussi bien pour des agriculteurs que des coopératives, des collectivités territoriales, nationales et européenne que pour des agences comme l’Ademe.
Sa carte de l’utilisation des pesticides que vous pourrez trouver en suivant ce lien, traduit à l’échelle communale l’Indicateur de Fréquence de Traitement (IFT). Il s’agit du “nombre de doses de produits phytosanitaires appliquées par hectare pendant une campagne culturale” (combien de fois ont été répandus des pesticides près de chez vous). L’IFT communal correspond à la moyenne des IFT par culture. L’IFT total (hors biocontrôle) concerne tous les types de produits de synthèse (herbicides, insecticides, fongicides, traitements de semences, autres).
Voilà qui donne déjà une estimation pour ce qui est des agriculteurs. Pour réduire les risques, mieux vaut habiter au sud-est qu’au nord-ouest, en montagne qu’en plaine et surtout pas dans une commune viticole. La Nièvre, par exemple, est à l’image du reste de l’Hexagone. Dans le Morvan, Parc naturel régional, une seule commune est exempte de pesticide agricole, Épiry. Dans tout le département, elles ne sont que deux (avec Guérigny). Dans le nord-ouest, c’est beaucoup, beaucoup plus. Du côté de Poully-sur-Loire, où l’on fait le vin du même nom, ce sont plus de six traitements par an.
Mais ce n’est pas tout. Cette carte donne une estimation des doses de pesticides que les agriculteurs français répandent. Cela ne comprend pas tout ce qui provient de l’alimentation. Dans les régions d’élevage, les animaux se nourrissent d’herbe (laquelle n’est pas toujours exempte d’engrais) et aussi de soja, notamment importé de pays où les cultures sont bourrées de pesticides (grâce à la politique de libre-échange affectionnée par Emmanuel Macron). Une partie est rejetée dans la nature, nous avalons l’autre, que nous rejetons dans la nature, avec tout ce que nous avons ingéré contenant des résidus de ces produits. Les traitements appliqués sur les fruits et légumes, notamment, sont affolants. Dans ce tableau qui provient lui aussi de l’association Solargo, on voit que les pommes détiennent le record de la chimie agricole en France avec un IFT de un IFT14 de 31,5 ! La moyenne de la pomme de terre est à 16,7, celle de la vigne de 12,3, et pour les grandes cultures, le colza possède l’IFT le plus élevé à 6,3 suivi du blé tendre à 5,1.
De plus, il n’y a pas que les agriculteurs de chez vous ou d’ailleurs. L’association Générations futures rappelle par exemple que “les désherbants à base de glyphosate sont désormais interdits pour les jardiniers amateurs conformément à la loi depuis 2019. Ils peuvent cependant encore être acheté sur Internet, et ainsi être utilisés sans contrôle, dans n’importe quel jardin de particulier. Les collectivités publiques, notamment les municipalités, font également un grand usage des insecticides, pouvant être déversés dans les eaux stagnantes, notamment pour lutter contre les moustiques. De quoi les conduire directement dans les eaux usées dès la première pluie”.
Résultat, même si la carte affiche dans votre commune une affriolante couleur verte (et en n’oubliant pas que même à faible dose, les pesticides produisent des effets), la réalité est peut-être différente. C’est en tout cas déjà un moyen pour les citoyens d’interpeller leurs élus et les agriculteurs qui persistent dans des pratiques nuisibles. C’est possible parce que dans nos campagnes, nous avons la chance de nous connaître presque tous. C’est surtout indispensable parce que les déclarations d’intention des derniers gouvernements ne laissent aucune illusion sur leur sincérité. Après avoir nié pendant des décennies la dangerosité du plus emblématique des pesticides, le glyphosate, on nous a expliqué qu’il était inutile de l’interdire et que, grâce au miracle de l’incitation, nous en sortirions.
Après un plan Ecophyto qui a produit le contraire de l’objectif, puisque les ventes de produits phytosanitaires ont continué d’augmenter (+6 % pour les insecticides pour les cultures, +25 % pour les herbicides et +34 % pour les fongicides de 34 %), la macronie a persisté dans la même voie en repoussant l’échéance et bien sûr échoué, si tant est qu’elle ait souhaité une seconde résoudre le problème.
Quatre organismes public, l’Inspection générale des finances, le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, et celui de l’environnement et du développement durable, ont ainsi rendu au mois de mars un rapport sur les plans Ecophyto. On peut y lire que « le plan actuel ne peut pas réussir. Sa poursuite en l’état pose la question de la crédibilité de l’action publique ». Et de trouver « légitime de s’interroger sur l’efficacité des dépenses publiques importantes qui [y] ont été consacrées ». Non seulement ça ne marche pas, mais en plus, comme dirait l’autre, ça coûte un pognon de dingue aux finances publiques.
La France a déjà été condamnée deux fois pour inaction climatique par la faute de Macron. La “négligence fautive” de l’État vient d’être reconnue par la justice administrative pour les ravages sanitaires, notamment des cancers provoqués par son entêtement à autoriser un antiparasitaire, le chlordécone, dans les bananeraies des Antilles entre 1972 et 1993. Trente ans après.
La carte de Solagro permet de visualiser aussi la surface en agriculture bio dans votre commune. À l’échelle de la France, elle est presque blanche. Dans la Nièvre, aucune commune n’a d’agriculture bio à 100 %. Seules trois dépassent les 50 %.
Nous payons pour tomber malade et détruire le vivant, puis nous payons encore pour réparer les dégâts, quand ils sont réparables. Les morts restent morts. Quoi faire ? Regarder cette carte, passer voir l’agriculteur du coin pour lui parler des dégâts des pesticides s’il en utilise, exprimer son désaccord au voisin “arrose” son jardin, interpeller le conseil municipal s’il en fait autant avec les espaces communaux. Et aussi mettre en avant ceux qui ont des pratiques vertueuses, ce qui demande plus d’effort, ne serait-ce que pour changer les habitudes, est respectueux des autres et désintéressé. Ce sont ces citoyens qui doivent être mis en avant. Pas des “entrepreneurs du vivant” qui vous expliquent que tout va bien puisque le numérique permet de doser le poison au mètre carré.